J’ai pensé que ce premier post du blog de Soul Food devrait être une explication en profondeur sur l’association Soul Food elle-même, pour les lecteurs qui voudraient en savoir plus sur nous, ce que nous faisons, avec qui nous travaillons, et pourquoi nous faisons ce que nous faisons.La population avec laquelle nous travaillons est vulnérable et les situations difficiles auxquelles elle est confrontée sont complexes, donc sans être trop académiques, je ferai de mon mieux pour expliquer le contexte dans lequel nous travaillons.Peut-être dans un futur billet du blog, nous allons entrer plus dans les détails techniques pour ceux qui seraient intéressés à se plonger plus profondément dans les complexités juridiques, politiques et culturelles du phénomène migratoire.
Pour l’instant, voici notre histoire, l’histoire de la naissance de Soul Food:
Pour commencer, j’aimerais vous donner un peu d’informations sur les deux co-fondateurs de Soul Food. Je m’appelle Kryssandra et j’ai une formation mixte en psychologie, relations internationales et diplomatie, droits de l’enfant, histoire de l’art et droits des personnes handicapées. Je parle quatre langues et j’ai toujours été intéressée par l’art, la musique et le travail avec les enfants et les jeunes. J’ai aussi toujours été fascinée par les cultures différentes et donc quand j’ai déménagé à Paris en 2011 pour obtenir une maîtrise, j’ai alors concentré mes recherches sur les questions multiculturelles. Je travaille sur les questions relatives aux jeunes migrants depuis cette période. J’ai fini par écrire ma thèse de maîtrise sur les mineurs non accompagnés demandeurs d’asile en Italie. J’ai plus tard publié un article utilisant cette recherche, et j’ai été bénévole au service des jeunes migrants pendant environ 4 ans à Paris.
François, l'autre co-fondateur de Soul Food, a une formation en droit (droit de l'environnement) ainsi qu'en musique. Il est batteur et percussionniste dans un groupe Afrobeat appelé Bim Bam Orchestra. Il parle plusieurs langues aussi, et il est intéressé par l’art et la culture. Il a commencé à faire du bénévolat avec moi il y a environ trois ans. Puisqu'il est juriste, il a facilement pu mettre à disposition ses compétences juridiques à bon escient (nous évoquerons ce sujet plus tard).
Il y a près de deux ans (le 17 février 2018 pour être exact), François et moi avons emmené un groupe de mineurs non accompagnés (jeunes migrants de moins de 18 ans et sans tuteurs pour diverses raisons) à un concert de Bim Bam Orchestra. Nous avons décidé d'essayer d’emmener quelques-uns d'entre eux à un concert en partie parce que nous aimons la musique et sommes pleinement conscients de la joie que la musique peut apporter aux gens, mais aussi parce que grâce à notre travail bénévole, nous avons pu comprendre la situation des jeunes migrants à Paris, et nous rendre compte du manque en termes de soins, de services et de ressources culturelles pour eux.
Quelques informations générales :
En France, lorsque vous avez moins de 18 ans, vous avez les mêmes droits que tout autre mineur (droit de vivre en lieu sûr, d'aller à l'école, etc.). Cependant, l'accès à ces droits est un processus très compliqué et long (comme le sont malheureusement beaucoup de tâches administratives en France). Là où je fais du bénévolat chaque lundi soir depuis près de 4 ans (ADJIE), nous aidons à cette tâche en interviewant de jeunes migrants pour en savoir plus sur leur situation individuelle. Durant l'interview, nous écoutons leurs histoires, les guidons à travers la procédure légale et leur expliquons leurs droits pour nous assurer qu'ils sont aussi bien informés que possible. Nous écrivons également aux avocats et aux juges pour faire valoir leur droits, les mettons en relation avec d'autres professionnels qui peuvent les aider sur d'autres questions (santé, social, éducation etc.), les inscrivons à l'examen qu'ils doivent passer pour entrer dans le système scolaire français, et essentiellement aider à résoudre tout problème ou préoccupation chaque fois que nous le pouvons. Parfois, nous apportons des choses en permanence comme des vêtements, des manteaux, des fruits et d'autres collations saines à distribuer, car nous savons que la plupart de ces jeunes ne reçoivent pas de nourriture saine à manger, même lorsqu'ils sont hors de la rue et vivent dans un endroit relativement sûr. Beaucoup d'entre eux ne survivent que grâce à la gentillesse et charité des autres.
C'est dans ce contexte que nous avons réalisé que même après leur prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance (des Conseils départementaux) ces jeunes sont encore obligés d'attendre des mois et parfois des années avant d'être autorisés à aller à l'école. Pendant ce temps, ils suivent parfois quelques heures de cours de français et de mathématiques par semaine, gratuits et dispensés par des bénévoles autour de Paris, mais sinon, ils n'ont pas accès à des activités stimulantes intellectuellement.
C'est pourquoi nous avons eu l'idée de créer Soul Food. Nous voulions combler ces lacunes, ce temps perdu, avec quelque chose de significatif qui pourrait nourrir leur âme, leur donner de l'espoir, encourager l'apprentissage, les aider à s'intégrer de manière positive et leur apporter de la joie.
Après ce premier concert il y a plus de deux ans, nous sommes allés à quelques autres. Chaque fois, les jeunes migrants que nous avons amenés semblaient sortir de leur coquille. Certains étaient généralement plus extravertis et se sont mis à la musique tout de suite. D'autres ont commencé timide, triste et réservé, mais ont terminé la soirée en dansant avec leurs nouveaux amis. Les musiciens et les salles qui nous ont aidés en nous donnant des billets gratuits étaient toujours très enthousiastes à propos de notre initiative et les enfants semblaient impatients de revenir la prochaine fois avec des amis. Nous avons réalisé que nous avions quelque chose de spécial à proposer et que nous devions l'étendre.
Ensuite, nous avons commencé à aller dans les musées. Nous allions déjà voir régulièrement des expositions, car François et moi sommes amateurs d'art. Heureusement à Paris, comme dans de nombreux endroits en Europe, la plupart des musées nationaux sont gratuits le premier dimanche du mois, nous avons donc pensé que ce serait une excellente activité à partager. Aller dans les musées a également été une expérience merveilleuse et nous avons réalisé que grâce à ces excursions, c'était la première fois que la plupart de ces jeunes migrants pouvaient découvrir Paris comme nous le faisons. Cela nous a vraiment inspiré pour commencer quelque chose de plus concret et ainsi, Soul Food officielle est née.
Cela fait plus de deux ans depuis ce premier concert et nous avons considérablement élargi nos activités ! Nos excursions sont divisées en deux catégories principales : celles qui nous permettent d'observer l'art (projections de films, visites de musées, concerts, repas au Refettorio Paris, etc.) et celles qui nous permettent de participer et de créer de l'art (ateliers de danse, activités de dessin dans les musées, ateliers de photographie et cinéma, etc.). Dans la mesure du possible, nous essayons de donner aux jeunes migrants la possibilité de créer et de s'exprimer, car nous reconnaissons l'importance que cela revêt. Nous avons également un programme d'échange de livres pour encourager la lecture pendant leur temps libre et un club d'anglais pour ceux qui cherchent à améliorer et / ou à apprendre l'anglais.
Parallèlement aux sorties et activités culturelles, nous avons également pu mettre en place un programme de développement professionnel pour les jeunes qui sont intéressés par des emplois dans les domaines culturels (mode, arts culinaires, etc.). Nous les mettons en relation avec des professionnels prestigieux, rigoureux mais aussi équitables avec des projets qui ont du sens. Avant de les présenter à leurs maîtres de stage et patrons potentiels, nous les rencontrons pour discuter de leurs aspirations et pour déterminer comment nous pouvons les aider à grandir professionnellement et à s'intégrer positivement, par exemple en les aidant à créer et à utiliser un compte de messagerie électronique, utiliser l’agenda de leur téléphone et parfaire leur CV. Cette partie des activités de Soul Food est importante pour nous, car c'est un moyen d'aider ces jeunes à avoir une meilleure qualité de vie à long terme. En suivant cette philosophie, nous ne cherchons à travailler qu'avec des personnes qui sont les meilleures dans leur domaine ou qui ont un projet censé incluant des pratiques durables ou le commerce équitable. Ce faisant, nous exposons les jeunes migrants à des opportunités prestigieuses qui ne leur seraient normalement pas offertes.
Et voilà ! C'est notre histoire, l'histoire de la façon dont nous nous efforçons chaque jour d'améliorer la vie des autres à travers l'art, la culture, l'éducation et l’ouverture à l’autre, nourrir leur âme, ainsi que la nôtre.
Nous nous efforcerons à diffuser des articles informatifs mais également intéressants. Ils couvriront une grande variété de sujets liés à la migration, l'art et la culture, et seront écrits par différentes personnes. Bien sûr, vous trouverez également plus d'informations sur notre site Web et nos pages des réseaux sociaux, où nous publions également les photos de nos excursions et activités. Vous remarquerez que nous trouvons souvent des moyens créatifs de les présenter, car nous ne publions pas de photos de visages de mineurs. Nous le faisons à la fois par respect et pour la protection des mineurs qui n'ont pas leurs tuteurs légaux ici pour donner leur consentement à avoir leur visage partout sur Internet. N'hésitez pas à nous envoyer vos commentaires et à nous contacter si vous souhaitez contribuer de quelque manière que ce soit.
En raison de l'épidémie de COVID-19, nous avons décidé d'avancer la date de lancement de notre blog. Nous préparons des publications depuis plus d'un an, déterminés à nous assurer que nous avons suffisamment de contenu convaincant à publier régulièrement. Compte tenu de la situation actuelle notre façon de travailler a complètement changé. Le plaidoyer et l'aide d'urgence sont au centre de nos activités ces dernières semaines. Nous utiliserons donc cet espace comme une plateforme pour cela, ainsi que comme un moyen de partager ce que nous faisons durant le confinement. Nous ferons de notre mieux pour vous tenir bien informés et partager les solutions existantes pour venir en aide aux jeunes migrants et les personnes vulnérables de vos communautés en ces temps difficiles. Nous partagerons également des ressources artistiques et culturelles en ligne que tout le monde peut utiliser à domicile. Alors que nous attendons tous le jour où le monde se rouvrira à l'exploration et que nous pourrons réintégrer les espaces créatifs publics, nous vous invitons à nous rejoindre, à utiliser l'art et la culture comme une distraction indispensable et à nourrir vos âmes. #SoulFoodForMigrantYouth
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